23e Congrès de la FGF-FO : "Nous allons essayer d’obtenir le dégel du point d’indice" (Yves Veyrier, SG de FO)

publié le 18 juin 2021

Par CLARISSE JAY



"Notre message est clair : nous allons essayer d’obtenir le dégel du point d’indice. Le Ségur de la santé et le Grenelle de l’Éducation ont fait la démonstration qu’il y a un vrai problème de rémunération dans la fonction publique. De plus, le constat est fait que les substituts à l’augmentation de salaires comme les primes Covid ne suffisent pas", déclare Yves Veyrier, dans une interview à AEF info. Le secrétaire général de FO intervient ce 17 juin 2021 au 23e Congrès de la FGF-FO qui se tient cette semaine à Nancy. Il revient également sur la crise sanitaire, la loi Dussopt de 2019 et les élections professionnelles de 2022. De son côté, Christian Grolier, réélu le 16 juin à la tête de la FGF pour un troisième mandat de quatre ans, souligne aussi le caractère novateur de ce congrès qui vise à être "moins sur le défensif", en proposant un projet.

AEF info : Quels sont les sujets de préoccupation majeurs du 23e congrès de la FGF-FO, qui intervient dans un contexte très particulier (crise sanitaire, élection présidentielle en 2022, application de la loi de transformation de la fonction publique…). Vous y intervenez ce jeudi 17 juin. Quel message comptez-vous porter ?

Yves Veyrier : Tout d’abord, que l’on puisse tenir un congrès qui a dû être reporté du fait de la crise sanitaire est déjà en soi important car l’indépendance de Force ouvrière ne vaut que si l’on débat librement des analyses que nous portons sur les politiques économiques, sociales et budgétaires et que l’on s’accorde sur des revendications et les actions que nous devons conduire.

"Dans le contexte actuel, à l’approche notamment de l’élection présidentielle, se pose la question des enjeux et des conséquences des réformes successives dans la fonction publique dont la ligne directrice a toujours été la réduction des dépenses publiques."

Yves Veyrier, secrétaire général de FO

Dans une période de pandémie, de confinements successifs et de restrictions de libertés, y compris de manifester, ce congrès a une portée libératrice qui a aussi l’importance de redonner une dynamique aux militants qui pouvaient se sentir entravés par rapport à leur engagement. D’une manière générale, ce congrès montre que FO n’a pas baissé la garde durant cette période et n’entend pas la baisser aujourd’hui. Dans le contexte actuel, à l’approche notamment de l’élection présidentielle, se pose la question des enjeux et des conséquences des réformes successives dans la fonction publique dont la ligne directrice a toujours été la réduction des dépenses publiques, que l’on renvoie aux contraintes européennes.

La confédération, dans sa dimension interprofessionnelle, a une vision de la fonction publique au sens littéral du terme, à savoir une fonction publique qui a pour objectif de mettre en œuvre, de garantir un service public face auquel les citoyens sont traités de manière égale et bénéficient d’un égal accès aux services essentiels pour la population. On a beaucoup parlé de l’abandon des zones rurales, de la désertification. Ce qui nous importe au niveau confédéral est de rappeler que les fonctionnaires ne défendent pas leurs conditions de travail, leur statut, leur rémunération, pour leur intérêt catégoriel, puisqu’ils sont régis par le statut général qui porte droits et obligations et a justement pour objectif de s’assurer que le fonctionnaire agit dans le sens de l’intérêt général au regard des principes de la République.

Il est important que la confédération porte ce message. La confédération va bien évidemment porter la revendication corporative des agents publics au regard de la situation des services publics, des agents publics (y compris les contractuels) mais aussi leur engagement dans l’intérêt général. La fonction publique, les services publics, les fonctionnaires ne sont pas une dépense. C’est l’investissement que la Nation engage pour la vie en société et l’égalité républicaine. Nous défendons également avec la FGF-FO le rétablissement du CNSP. Nous l’avions obtenu de la part de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe en février 2019 à la suite du mouvement des gilets jaunes.

Autres préoccupations : le projet de loi 4D qui comporte le risque, à travers de la différenciation, de défaire l’unité et l’égalité au regard des services publics ; et bien sûr la question des rémunérations avec le gel de la valeur du point d’indice. On a souvent dit que FO était le syndicat de la feuille de paie. Je le revendique car nous avons face à nous deux enjeux majeurs face à cette crise : le premier est l’emploi. Or le salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi quoi que l’on en dise. Le pouvoir d’achat, les salaires, le niveau des pensions, participent à l’activité économique. Et les deux paramètres qui vont ensemble et sur lesquels peut agir le gouvernement sont le Smic et l’indice de la valeur du point de la fonction publique. Le second est l’insuffisance des moyens des services publics et la nécessité d’assurer les services publics de proximité.

Il est important que les agents publics se sentent soutenus par la confédération qui est partie prenante des revendications formulées au niveau interprofessionnel, à commencer par la réforme des retraites, et y compris dans les débats sur la réforme de l’assurance chômage, à laquelle ils contribuent.

Christian Grolier : Nous allons essayer de mener un congrès un peu différent. Nos résolutions et nos revendications seront classiques mais face notamment à la baisse régulière de participation aux élections professionnelles, nous souhaitons construire quelque chose de positif. Face aux enjeux soulevés par le vieillissement de la population, la baisse de la démographie, le réchauffement climatique, la concentration des populations dans les zones urbaines, le développement de l’intelligence artificielle, nous devons nous positionner. Faut-il par exemple rouvrir une discussion sur le temps de travail ? Nous allons essayer d’inspirer les militants par rapport à leurs secteurs. Nous devons leur donner de l’espoir en étant moins sur le défensif avec un congrès qui propose un projet.

AEF info : Emmanuel Macron a relancé le sujet des retraites au début du mois tout en déclarant que la réforme ne reviendrait pas en l’état (lire sur AEF info), Bruno Le Maire indiquant toutefois qu’elle reste une "priorité" et une "nécessité absolue" pour le gouvernement. Que cela vous inspire-t-il ?

Yves Veyrier : Chacun entend ce qu’il veut entendre. Selon moi, le président de la République est bien obligé d’admettre aujourd’hui que son projet est extrêmement complexe et, comme il le dit, "porteur d’inquiétudes" – ce qui est un euphémisme pour dire qu’il a donné lieu à un conflit social majeur. Pourquoi ? Parce qu’il ne résout en rien les difficultés que rencontrent les salariés et fonctionnaires, le moment venu, en matière de droits à la retraite, d’âge de départ à la retraite et de niveau de pension. Ce, parce que ces difficultés ne tiennent pas au système actuel de retraites. Les inégalités au moment de la retraite sont dues aux inégalités afférentes aux parcours de carrière, ce qui est le cas pour les femmes par exemple. Ces inégalités sont corrigées actuellement partiellement par le système des annuités.

Un système universel par points aggraverait ces inégalités. Par ailleurs, le COR vient de souligner que le déséquilibre financier du système des retraites (lire sur AEF info), hors Covid, provient principalement des politiques de modération de salaire et d’emploi dans la fonction publique. Nous souhaitons conserver le système des pensions civiles et militaires qui est attaché au statut.

AEF info : Quelles sont vos attentes pour le rendez-vous salarial du 6 juillet (lire sur AEF info), le dernier du quinquennat, alors que la valeur du point est gelée depuis 2018 ?

Yves Veyrier : Notre message est simple : nous allons essayer d’obtenir le dégel du point d’indice. Le Ségur de la santé et le Grenelle de l’Éducation ont fait la démonstration qu’il y a un vrai problème de rémunération dans la fonction publique. De plus, le constat est fait que les substituts à l’augmentation de salaires comme les primes Covid ne suffisent pas.

C’est le combat que mène la FGF-FO, y compris en sollicitant un front uni des autres organisations syndicales de la fonction publique (lire sur AEF info). Le dégel du point a une portée symbolique et est la garantie d’un traitement égal. Après, la difficulté est de savoir si le jeu en vaut la chandelle à la lumière de ce qui a été obtenu en 2016. Il est donc important que les revendications des fonctionnaires soient portées par la confédération.

AEF info : La crise sanitaire a remis les services publics et les agents publics sur le devant de la scène. Quel est votre bilan et qu’attendez-vous du prochain quinquennat pour la fonction publique ?

Yves Veyrier : Je crois que, malheureusement, avec la loi de transformation de la fonction publique, dont la mise en application se poursuit, le gouvernement se donne les moyens de ne plus avoir forcément à afficher des suppressions de postes puisqu’il sera à l’avenir davantage fait appel à des contractuels. La variable d’ajustement sera alors simple à mettre en œuvre a fortiori dans le cadre d’une décentralisation poussée. Parmi les autres dispositifs inquiétants, il faut également citer ceux prévus dans le cadre de privatisations et la rupture conventionnelle.

Christian Grolier : Chaque gouvernement, depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy, essaie de trouver le moyen de réduire les dépenses publiques ou la masse salariale. Nicolas Sarkozy avait décidé de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à retraite ; François Hollande, lui, a décidé de geler le point d’indice et a mis en place le protocole PPCR qui a allongé les durées de carrière, supprimé les réductions d’ancienneté… Il s’agit toujours de maîtriser le fameux GVT.

"Le gouvernement actuel ne peut plus décemment, avec la crise, supprimer des postes ; il ne peut plus geler le point car c’est déjà fait. Par conséquent, il a décidé d’élargir le recours aux contractuels ce qui permet de supprimer le GVT. "

Christian Grolier, SG de la FGF-FO

Le gouvernement actuel ne peut plus décemment, avec la crise, supprimer des postes ; il ne peut plus geler le point d’indice car c’est déjà fait ; il ne peut pas non plus relancer un nouveau PPCR. Par conséquent, il a décidé d’élargir le recours aux contractuels qui permet de supprimer le GVT. C’est la dernière astuce pour essayer de réduire la masse salariale. Autre mesure qui va dans ce sens, le détachement d’office en cas de privatisation de services publics alors que le détachement est à l’origine à l’initiative de l’agent. Et en cas de désaccord, il pourra solliciter une rupture conventionnelle. Ce qui reviendra à supprimer des postes.

Concernant le point d’indice, faute de revalorisation générale, le gouvernement utilise là encore des astuces, parfois sous la pression sociale, comme le Ségur de la santé, le Grenelle de l’Éducation ou le Beauvau de la sécurité. Amélie de Montchalin a récemment prévu une disposition afin que les bas salaires ne se retrouvent pas à nouveau sous le Smic (lire sur AEF info). Et d’autres mesures de ce type pourraient être annoncées lors du rendez-vous salarial du 6 juillet.

Mais notre revendication va au-delà et porte sur toute la politique salariale dans la fonction publique. Depuis 20 ans, la rémunération globale des catégories C est composée de 30 % de primes, celles des B de 50 % et celle des A, de davantage encore. Si l’on ne revoit pas la politique salariale, cela accentuera les conséquences sur les pensions en raison du poids des primes non prises en compte.

AEF info : Autre échéance qui approche : les élections professionnelles de décembre 2022 (lire sur AEF info). Quelles sont vos ambitions pour ce scrutin particulier puisqu’il se déroulera quelques mois après la présidentielle et sera suivi par la mise en place des nouveaux comités sociaux dans un contexte de baisse progressive de la participation ?

Yves Veyrier : Nous sommes ambitieux après des résultats 2018 globalement à la hauteur de ce que nous espérions. Nous sommes devenus 2e dans la fonction publique hospitalière, nous avons conforté notre position dans la fonction publique de l’État, même si nous avons eu un peu de mal dans la territoriale . Sur la base de ces résultats, nous devons convaincre plus largement des agents de voter. Or ces élections se déroulant dans un nouveau cadre avec la mise en place des nouvelles instances de dialogue social prévues par la loi de transformation de la fonction publique (comités sociaux), cela va entraîner des difficultés en termes de dépôt de liste et d’intérêt pour les agents d’élire des délégués. Cela va impliquer un travail important. Nous avons d’ores et déjà commencé à organiser notre fonctionnement en vue de ces élections.

"Notre défi est de positiver le rôle du syndicat et l’importance de ces élections professionnelles, ne pas en faire un enjeu électoraliste, avec une dimension contractuelle que nous devons intégrer de manière forte."

Yves Veyrier :
"Nous avons de l’ambition à l’image de notre 3e place maintenue au niveau interprofessionnel dans un contexte là aussi de transformation après la mise en place des CSE en 2019, de réforme des retraites et de pandémie. Nous nous sentons plutôt en forme et en force.
Notre défi est de positiver le rôle du syndicat et l’importance de ces élections professionnelles, ne pas en faire un enjeu électoraliste, avec une dimension concernant les syndicats de la fonction publique et une dimension contractuelle que nous devons intégrer de manière forte. Nous devons mettre également en avant les résultats obtenus concernant la protection sociale complémentaire qui est un élément important.
Ce congrès est important de ce point de vue : faire passer le message de ce qui est le produit de l’action du syndicat à tous les niveaux."

Christian Grolier :

Cela dit nous considérons que le gouvernement fait tout pour qu’il y ait moins de participation à ces élections avec notamment le passage de tous les ministères au vote électronique. Ce dernier a provoqué une chute de la participation aux dernières élections, en 2018, notamment aux ministères de l’Éducation nationale et de l’Économie et des Finances. En outre, les agents vont devoir voter à de nouvelles instances que personne ne connaît et qui seront mises en place après les élections. C’est le gros handicap de ces élections qui vont peut-être davantage se jouer sur la manière de faire voter que sur les idées